N'allez-vous plus au cinéma ?
L'automne et l'hiver ont été pauvres, très pauvres en bons films. Scénarios bâclés, tournages pourris, transferts numériques (ou tournages numériques) à deux balles...
Quelle déception, pour moi qui vais depuis toujours au cinéma au moins deux fois par semaine.
Mais il y a eu tout de même quelques grands moments : s'il passent un jour près de chez vous, ne ratez surtout pas le dernier film de Manoel de Oliveira,
Gebo et l'Ombre, ni celui de Theo Angelopoulos,
La Poussière du temps.
Chacun dans leur genre, ils sont toute la justification de l'existence du cinéma pour faire autre chose que remplir des salles et manger du pop-corn : réfléchir, savourer le travail des acteurs, se délecter d'une photographie irréprochable, et, chez Angelopoulos, admirer le mouvement des caméras dans de stupéfiants plans-séquences. Certains critiques ont reproché à ce dernier d'avoir fait un film du XX
e siècle. Comme je viens de ce siècle et qu'il a façonné mon imaginaire, cela ne m'a pas dérangé
Une femme et un homme se poursuivent à travers le monde de part et d'autre du rideau de fer ; Sibérie, libération, frontières ; film mêlant souvenirs, fantasmes, rêves et réalité.
Le printemps s'annonce plus riche que l'hiver, j'ai déjà vu de belles choses, de natures très différentes. Et vous ?
L'Artiste et son modèle, de Fernando Trueba, joliment filmé en noir et blanc, met en scène un vieux sculpteur à la recherche d'une nouvelle (dernière) inspiration, la trouvant devant son inexpérimentée et atypique modèle, une jeune femme inculte, pleine de vie, de courage, et de charme.
La caméra suit longuement son corps, pendant que les mains et les outils du sculpteur travaillent la matière.
"
Une nature morte" selon
le Monde, un beau moment de partage pour moi, filmé avec douceur dans une belle lumière travaillée, au rythme lent, sans musique
(bénédiction, ces auteurs qui savent que l'image et les paroles suffisent, qu'il n'est pas nécessaire de faire pleurer les violons pour nous indiquer quoi penser ou ressentir).
No, film chilien de Pablo Larraín, raconte, tourné avec du matériel vidéo d'époque, le référendum qui a fait perdre la dictature chilienne, avec talent, virtuosité même, et il en faut pour nous faire ainsi accepter de regarder une image de vieille télévision sur grand écran !
Les spots publicitaires utilisés par l'opposition pour tenter de faire tomber Pinochet sont apolitiques et conçus comme s'il était question de donner envie de manger un Kinder Surprise, et ils ont gagné. Film excitant, ambigu, intelligent et déplaisant... je vous laisse voir pourquoi... pour en reparler ensuite si vous le voulez.
Wadjda, film saoudien de Haifaa Al-Mansour. Me vient une question : comment se fait-il qu'une femme, qui doit obéir à son mari, n'a pas le droit de conduire, ait pu faire ce film ?
Premier film tourné dans le pays du non-droit des femmes, il est réalisé par une femme et montre cette oppression au quotidien, vécue par des femmes qui, pour la plupart, ne songent pas à s'en émouvoir, et l'entretiennent.
C'est un film très intéressant pour mieux comprendre, sensible et touchant, à la fois une source documentaire et une jolie histoire.
Ce n'est pas une grande œuvre esthétique, mais cela n'est pas important car son intérêt réside ailleurs.
Intéressant
interview de Haifaa Al-Mansour sur telerama.fr.