Depuis le début de cette affaire non résolue, Zanetti semblait s'enfoncer chaque jour plus profondément dans une nostalgie fataliste.
Pourtant, la vie ne lui avait pas réservé que de mauvaises surprises. Sa fille avait ramené à la maison une sorte de gendre affable plutôt acceptable, sa femme et complice semblait connaître une nouvelle jeunesse depuis qu'elle avait décidé de passer des séjours de réflexion à la campagne le week-end : pas de doute, la solitude lui allait bien.
Quant à lui, tout semblait lui sourire depuis qu'il avait résolu brillament cette affaire sombre qui avait défrayé la chronique, celle que la presse avait nommée l'"
affaire du boucher de minuit".
C'est grâce à lui que cet honorable commerçant avait été mis hors de cause, tout de même, et les
barbecue-brochettes allaient bon train, réunissant de joyeuses bandes d'amis autour du grill et du kärcher.
Pourtant, de manière sournoise et inéluctable, il perdait l'appétit et le sourire. La mélancolie le tenait de longues nuits d'insomnie meublées d'images obsessionnelles, de ballons, toujours et encore des ballons, accompagnés jusqu'à la nausée par la voix grinçante de Lulu la Balance dont il se remémorait contre son gré toutes les dernières paroles, fausses pistes, indices pourris.
Alors ce matin, lorsqu'il les aperçut depuis le métro, ce fût comme le réveil urgent d'une pulsion vitale trop longtemps endormie, une sorte d'atavisme limier le ramenait à la lumière, jusqu'à la fébrilité.
Enfin une piste, et peut-être enfin, une intuition…
Non, ne pas s'emballer trop vite, mon gars…