Cher Jacques, ton analyse, comme d'habitude, est posée et très juste.
Mon propos n'est pas d'absoudre les dits "forts" de toutes responsabilités, mais de discuter spécifiquement ce qui se produit souvent de maniere binaire, le plus souvent en temps de crise, quand les forts sont systématiquement accusés de tricher, de truquer les cartes, ou pire d'être les seuls responsables de la crise en question et à pouvoir résoudre la crise, et devraient en conséquence en payer le prix fort, voir dans le cas des "banquiers"
(*) être sévèrement punis et aller en prison. C'est ce phénomène spécifique que je discute, c'est ce qui me fait bondir dans la plupart des propos anti-Goldman Sachs ou anti-Allemagne
(**) ou anti-Occident en general, par exemple dans le petit délire de Giscard dans le clip de Danyves ci-dessus ; (personnellement je ne pensais pas que Giscard disposait d'infos exclusives avant de voir ça, maintenant je pense qu'il est soit gâteux soit foncièrement malhonnête, peut-être les deux...)
Bref ce qui me fait réagir c'est la tendance populaire à chercher un complot central, quelques bouc-émissaires facilement identifiables, détestables et dont on pourrait être envieux (combien ils gagnent, leur maison près de Central-Park etc...) c'est le principe des
"Protocoles des Sages de Sion". Du fait de leurs propres responsabilité qu'ils préféreraient dissimuler, ou de leur propre incompétence et impuissance face à ces crises, les hommes et les femmes politiques se régalent de ce genre de réactions et mécanismes populaires, la theorie du complot Juif n'étant pas une exclusivité des dictateurs ou du Tsar. Ce genre de méthode populiste est tentante, pour les medias
(pas besoin d'enquêter tres longtemps, une semaine à New-York, les dirigeants de GS ne veulent pas me parler, ils cachent sûrement quelque chose) pour toute personne au pouvoir ou pas, ça permet de donner l'impression qu'on fait quelque chose pour régler le problème (en convoquant les dirigeants de Goldman à témoigner au Congrès Américain par exemple, ou quand en Europe on interdit les positions "shorts" sur certains titres) ; ça plait au peuple qui ne comprend pas bien comment ça marche d'être short, c'est sûrement immoral, et on donne l'impression de punir les vilains diaboliques spéculateurs, quand en réalité on ne fait que retarder les échéances et attendre les prochaines élections ; et pendant ce temps la liquidité des marchés ne fait qu'empirer, non pas pour des raisons diaboliques mais bien comme tu l'as dit de préservation de l'intérêt de chacun, et bien parce que la situation est pire du coup et ne semble pas près d'une réelle résolution.
Et donc, bien entendu, s'interroger sur les responsabilités des forts est non seulement permis, mais nécessaire. Mais qu'on occulte, sur une sorte de chasse aux sorcières, sur un bûché populaire, toutes les autres raisons de la crise est malhonnête intellectuellement et moralement. De faire systématiquement le raccourci "à qui profite le crime" est souvent tentant et relève de ce genre de raccourcis trop pratiques à mon humble avis. La responsabilité en proportion à un pouvoir n'est pas une explication suffisante à posteriori, une fois qu'on regarde qui a gagné et qui a perdu.
(*) en voila un terme qui est vaste, "banquier" désigne-t-il toute personne qui travaille dans la finance, y compris mon équipe de back-office à Mumbai en Inde, ou bien quelques têtes d'œufs comme Loyd Blankfeld ou bien des traders ou encore des avocats qui travaillent sur les structures d'aide au financement d'infrastructures dans les pays émergents, ou simplement une image populaire caricaturale à la Michael Douglas dans Wall Street 2007 ?!
(**) c'est quand même triste de voir Angela Merkel caricaturée en Nazie dans la presse Grecque, non ?