le Pirate Forum
    Vrai faux et faux vrai

  
Comme évoqué dans un autre sujet, on a préféré, dans l'un des lieux les plus symboliques de l'architecture mondiale, montrer des faux gladiateurs dans une vraie salle de cinéma, plutôt que la vraie Maison Carrée de Nîmes.
Dans le dos du photographe qui a réalisé cette photo, il n'y a plus le volume intérieur de ce temple romain, mais une salle de ciné 3D…


Voici donc du faux vrai… à moins que ce soit du faux faux.

Non loin de là, à Arles, on préfère aux imposants blocs de pierres usés par les millénaires, une façade neuve qui évoque un peplum :


C'est le vrai faux.

Maison Carrée : 15 mm - Arènes d'Arles : 90 mm - Leica R5 et Kodak Plus-X

Vrai faux, faux vrai, sérieux ou pas sérieux ? Ce fil est là pour ça.

Hello Laurent,

Ayant vu les arènes d'Arles, je reconnais que ça m'a laissé une drôle d'impression... Si faire tout ces travaux conduit à des arènes toutes neuves, je ne vois pas bien l'intérêt...

Votre questionnement, Mr Coignet, est intéressant!
L'architecture est ma voie loupée, et je l'ai abordée par le biais des matériaux, au travers d'un tour de France de l'architecture, vu par les matières premières! (cela fera peut-etre l'objet d'un livre photo + textes si j'arrive à en trouver le temps).

Mais je suis arrivé à des conclusions (temporaires) sur la réutilisation des édifices au cours du temps:

--> On ne souhaite conserver en l'état, muséifier, que depuis peu de temps (milieu du XX siecle en gros) nos édifices.
Auparavant, les vieux murs étaient, soit cannibalisés pour reconstruire ailleurs, soit détournés de leur utilisation initiale en transformant par exemple des arènes en thermes ou en parc à bestiaux, voire en abbaye comme cela peut se voir à Paris coeur!

Cela doit-il conduire à déplorer le double système actuel, qui, d'une part, muséifie, et d'autre part, réoriente les édifices vers un autre usage (la voie de chemin de fer du 13eme Arrondissement de Paris, dont la voie ferrée à été transformée en jardin paysage suspendu au dessus des boulevards).

Peut-etre le choix devrait-il être plus compréhensible, mais le principe en soi ne me semble pas si choquant!

Je glisse humblement mon orteil bruxellois ici:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Façadisme

en regrettant de ne pas avoir le temps de documenter la chose pour l'instant mais autour de moi il y a tellement de lamentables exemples...

  
M. Naufrageur (j'adopte naturellement en réponse le même "M" et le vouvoiement), vous parlez de l'utilisation traditionnelle des édifices détournés de leur utilisation initiale, comme le panthéon à Paris, par exemple, ou celui de Rome d'ailleurs également, comme encore la Mosquée-cathèdrale de Cordoue, et bien d'autres.

Ici, il s'agit de tout autre chose : sous couvert de conservation, les Monuments Historiques français fabriquent du faux, sous prétexte que la copie de l'original serait fidèle, niant ainsi l'histoire du bâtiment, non seulement ses dégradations liées au temps et aux intempéries, la pierre encore en place parfois depuis les origines se trouvant érodée naturellement comme sur la photo ci-dessous, aux arênes de Nîmes, mais aussi les traces léguées par son histoire, l'ensemble ayant été utilisé comme base pour un quartier habité jusqu'à la restitution des arênes au XIXe siècle.
S'il était question d'un usage autre du bâtiment, ce serait alors le transfert de sa signification comme témoin usé par le temps, à une nouvelle signification comme une reconstitution. Ce n'est pas la même chose, et n'est pas ainsi présenté.

J'ai vu, lors d'une escapade romaine ce week-end, le Colisée de Rome : les italiens reconstituent aussi les éléments disparus, mais comme une épure, pour donner à lire la forme antérieure, sans pastiche. Ils utilisent d'autres matériaux (au Colisée, la brique), et signifient clairement le passage du vestige à la reconstruction.


Arènes de Nîmes

Voici également, toujours à Arles, la réfection en cours de dallages deux fois millénaires, en ciment.
Notez sur la deuxième photo, l'ouvrier en train de graver dans le ciment frais de fausses marques d'usure, et de faux défauts de pierre semblables à ceux des vieilles dalles.




Arles devant l'amphithéâtre

  
coignet nous révèle où il était ce week-end :mrgreen:
J'ai vu, lors d'une escapade romaine ce week-end, le Colisée de Rome...

Est-ce à dire que tu aurais rapporté quelques photos ici possiblement montrables ?

On a bien, effectivement, l'aspect bien décrit par Mr Coignet, de la muséologie vue par les ABF... Mettre une couche de vernis pour donner un éclat de neuf sur une reprise de vieux!

Vous dites bien donc, la meme chose que moi, en reproche du système français!
Cela dit, l'exemple vient de haut...

Juste pour info, et parce qu'on va un peu dans le meme sens, la ville de Dresde vient de perdre son classement UNESCO pour avoir autorisé la construction d'un pont moderne en plein coeur de son "paysage culturel".
La construction récente ne pourrait donc pas être mélangée avec de la reconstruction post-guerre à l'identique de l'anté-bombardement?
Jusqu'à quel point l'ancien rénové doit rester dans son jus, repris à neuf, juste maintenu ou purement et simplement remplacé?

  
Il me semble que cela ne signifie non pas que la construction récente ne pourrait donc pas être mélangée avec de la reconstruction post-guerre, mais qu'un organisme comme l'UNESCO qui classe des sites ne les classe que s'ils sont dans un état et une situation exceptionnels au regard de critères qui lui appartiennent. Il ne faut pas oublier que ce classement donne des avantages comme tout classement, par exemple les classements en Secteur Sauvegardés ou Zone de Protection du Paysage en France selon la loi Malraux, ou les classements en Zone Naturelle de type ZNIEFF.
En effet, ces classements sont liés à des obligations de conservation de la zone classée dans l'état qui a provoqué son classement, car ils donnent aussi des avantages financiers très intéressants.

Je crois que si l'on souhaite construire un pont routier d'ampleur dans une zone qui a été classée car elle n'en a justement pas, il faut bien accepter qu'elle soit ensuite déclassée.
En tant que conseiller de diverses collectivités locales, j'alerte toujours les responsables divers sur cet aspect : les avantages du classement sont ils pour vous suffisamment intéressants, pour vous priver de pouvoir réaliser certains aménagements au caractère incompatible avec ce classement ?

On peut déplorer l'esprit de certaines procédures, j'en conviens tout à fait, mais dans ce cas, on peut aussi chercher d'autres procédures plus adaptées. Peut-être la Ville de Dresde peut-elle obtenir d'autres aides et soutiens de l'Allemagne, ou de l'Europe ?

Pour ma part, je ne comprends pas l'attrait qu'exerce sur les esprits de faux quartiers baroques construits après la guerre, mais c'est là un autre débat, qui d'ailleurs, rejoins cette fois l'esprit de ce fil dans son ouverture initiale !
:wink:

  
À ce sujet, aujourd'hui dans le Monde, un très intéressant petit article, interview de l'historien Jean Michel Leniaud, spécialiste de l'architecture et du patrimoine.
Lire ici.

Oui, absence de toute synthèse et culte du chef: sombre.

  
Merci pour ce lien vers cet entretien très intéressant
J'ai été surpris par les chiffres des monuments historiques protégés: 43 180 en France pour 500 000 au Royaume uni et un million en Allemagne!
Le problème du culte du chef ou du "petit chef" est inquiétant...

Il y a -1915 jours payés jusqu'au 31/12/2018
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